L’opérateur du logement public et privé, aux mains des élus grenoblois est devenu une sorte de patate chaude depuis que la municipalité a inscrit la vente de ses actions depuis deux ans en recette dans son budget. Une inscription très critiquée qui lui a même valu l’accusation de "budget insincère" car elle ne s’est pas concrétisée jusque-là et a contraint la ville à recourir à l’endettement supplémentaire pour la suppléer.
Dans la série, l’étape de la vente à la CDC Habitat a constitué un morceau de choix. La Ville espérait encaisser 52 millions d’euros. Mais elle a soulevé de violentes critiques sur la perte de cet outil du territoire patiemment constitué par les municipalités successives depuis une cinquantaine d’années et qui allait échapper à tout contrôle local.
Alors que la Ville fait face à une situation financière très difficile, cumulant un niveau de dette très élevé avec le record du taux d’impôts des villes de sa catégorie, il était évident que sa motivation était d’abord financière. Les ventes précédentes avaient d’ailleurs donné lieu à moins de polémiques : les actions de GEG – 30 millions d’euros de recettes – ont été vendues à la Métropole et la mairie négocie actuellement la vente de celles de la Compagnie de chauffage (12 millions d’euros) également à la Métropole.
"La vente des bijoux de famille, les recettes du siècle" n’a cessé de marteler Alain Carignon, le leader de l’opposition, pour démontrer l’état réel de la ville qui augmentait en même temps sa fiscalité de 30%. Le problème supplémentaire étant que, dans les deux derniers cas, les recettes proviennent du contribuable local métropolitain, donc aussi grenoblois.
Après l’avis négatif à la vente des actions de Grenoble-Habitat à CDC Habitat rendu le 14 novembre 2023 par le comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), Eric Piolle s’est à nouveau tourné vers Christophe Ferrari, le président de la Métropole qui a mené la fronde contre cette vente. Les deux hommes qui ne s’étaient plus parlé à ce sujet, se sont trouvés contraints d’échanger.
La Métropole va t-elle accepter à nouveau de mettre la main à la poche alors qu’elle-même se trouve aussi sur une trajectoire financière très délicate en matière d’endettement et va devoir recourir à la fiscalité, si elle ne se réforme pas ? Sur quelles bases financières cette éventuelle transaction?
Celles de la CDC Habitat qui alignait 52 millions ? Les élus de l’ADES, l’ossature de la municipalité Piolle, révèlent, eux, dans leur bulletin "qu’un prix de cession des actions de Grenoble de 37 millions d'euros, par exemple, serait un très beau cadeau de Grenoble à la Métro". Soit une baisse de 15 Millions d’euros avant d’avoir commencé à discuter. Un montant, même étalé, qui est probablement loin de ce que Christophe Ferrari peut consentir.
Cette valse de millions entre la Métropole et la Ville de Grenoble, dans le cadre de marchandages assez opaques et de coups de menton politiques, aggrave le sentiment de malaise à l’égard de la gestion des collectivités locales. Car se financer réciproquement ne soulage l’un que pour endetter un peu plus l’autre. Plus le débat avance, plus la question de la réussite ou non de la Métropolisation telle qu’elle a été menée se pose pour nombre d’observateurs.
Au plan financier, au vu des errements et des décisions prises, la réponse est inscrite dans les difficultés d’aujourd’hui rencontrées autant par la ville centre que par la structure d’agglomération. Restera à déterminer si le service rendu aux populations et aux communes est à la hauteur de cette dépense publique et de l’organisation métropolitaine.
Dans le cas où le résultat serait très discuté, le maire de Grenoble et le président de la Métropole qui ont construit ensemble l’outil métropolitain, d’adversaires actuels, devraient se solidariser à nouveau pour se défendre ensemble. Il y a toujours des rebondissements inattendus dans les séries.